Ma thèse de doctorat a été consacrée à l’analyse du cas moldave rapporté aux expériences de transformation des autres pays post-soviétiques. Dans ce travail qui a traité la thématique large du changement, j’ai privilégié une approche interdisciplinaire et j’ai mobilisé différents champs des sciences sociales tels que l’économie institutionnelle, la sociologie, l’ethnographie, la science politique, l’histoire. J’ai étudié le thème du changement systémique à travers l’analyse de l’infléchissement social ciblé sur un groupe en particulier, celui des « intellectuels », définis au sein du système socialiste traditionnel en tant que personnes en possession d’un diplôme du supérieur ou supérieur incomplet et accomplissant un travail non manuel. Cette piste inhabituelle a été retenue pour deux raisons : a) l’une, de nature théorique et épistémologique, qui rompait avec une vision économiciste sur le post-socialisme moldave, pour appréhender le processus de changement par une analyse qui articule la dynamique institutionnelle et l’action sociale ; b) l’autre, de nature sociologique, qui suggérait que l’analyse de la trajectoire de la catégorie sociale des « intellectuels » peut – par son caractère hétérogène – constituer une radiographie des systèmes socio-économiques qui se succèdent en Moldavie, dans la deuxième moitié du XX^e siècle. Ce travail a fait l’objet de deux enquêtes de terrain – une, par entretien approfondi et, une autre, par questionnaire –, réalisées en 2007, en République de Moldavie. Elles m’ont permis, en partie, de mettre en lumière l’importance des dispositifs institutionnels dans le fonctionnement des systèmes analysés et la variété de représentations et d’interprétations de ces dispositifs dans l’imaginaire social moldave et qui s’imprime sur l’action individuelle de la catégorie sociale étudiée. Par un procédé similaire, elles m’ont permis d’analyser dans un sens inverse l’influence de l’action sociale sur la dynamique des structures socio-économiques du système. Il s’est articulé autour de quelques axes de recherches : Le premier axe de recherche a consisté dans l’analyse du processus institutionnel soviétique de construction de la catégorie sociale des « intellectuels ». Ceci m’a permis de comprendre comment elle était hiérarchisée et, en même temps, comment elle avait acquis une position dominante dans l’imaginaire social, position qui légitimait son pouvoir et donc le volume de capital, au sens de Pierre Bourdieu, dont disposait l’« intellectuel ». Le deuxième axe de recherche a porté sur les tensions qu’engendrent l’allocation et la distribution des ressources au sein de chacun des systèmes analysés. Le troisième axe de recherche a mobilisé la problématique du capital social – dans l’acception de Pierre Bourdieu – qui a été complémentaire à l’analyse des régimes d’allocation et de distribution des ressources et il a été considéré en tant que ressource pour les individus, convertible en d’autres espèces de capitaux. Une forme remaniée de ce travail doctoral a fait l’objet d’une publication : un ouvrage monographique intitulé « Le grand tournant de la société moldave. “Intellectuels” et capital social dans la transformation post-socialiste » est paru en février 2019 aux Presses de l’INALCO.