Djems Olivier

Docteur
Université Paris 8 Saint-Denis
École doctorale : sciences sociales ED 401

soutenance de thèse : 2020

Géographie

Directrice de thèse : Bezunesh TAMRU, Cotutelle : Mark SCHULLER (Northern Illinois University, co-direction)

THÈMES DE RECHERCHE DÉVELOPPÉS

 

THÈMES DE RECHERCHE DÉVELOPPÉS

Violence, bandes armées, ONG, aide humanitaire, quartiers précaires, vulnérabilités

CHAMPS GÉOGRAPHIQUES

 



  • Haïti


 

PRINCIPALES ACTIVITÉS DE RECHERCHE

Projet de recherche postdoctorale


Habiter les territoires de la violence à Port-au-Prince (Haïti)


Université du Québec en Outaoais (UQO) 2023-2024


Supervision: Denyse Côté


Financement: MITACS


 

ACTIVITÉS D’ENSEIGNEMENT / DIRECTION DE THÈSES

Université d’Etat d’Haïti (2021-Présent)


Cours enseignés : ONG et Aide humanitaire, Géographie économique


Université de Port-au-Prince (2020-2023)


Cours enseigné : Décentralisation et développement local

COMMUNICATIONS


  • “Gangs and Security in Haiti”, Bildner Center for Western Hemisphere Studies, Baruch College (City University of New York), 24 avril 2025. https://bildner.org/events/gangs-and-security-in-haiti/  

  • « Impact de la violence armée sur la population des quartiers populaires de Port-au-Prince », communication à la 36e conférence annuelle de Haitian Studies Association, en collaboration avec Denyse Côté, City University of New York (Brooklyn College, CUNY) 10-13 octobre 2024

  • « L’agentivité des résidentes de quartiers de Port-au-Prince contrôlés par des groupes armés », communication au congrès de l’Association Internationale des Sociologues de Langue Française (AISLF), en collaboration avec Denyse Côté, Université d’Ottawa, 9 juillet 2024

  • « Haïti au piège des gangs criminels ou le défi d’habiter des “territoires perdus” », communication au colloque Les espaces dissidents : une faillite des Etats ?» organisé par l’Université Paris 8, 21-22 novembre 2023

  • « Gangs, NGOs and Social Movements in Haiti », Centre de recherche interdisciplinaire et de valorisation des savoirs sur Haïti (CRIVASH), University of Ottawa, 10 novembre 2023, https://www.uottawa.ca/faculty-social-sciences/events-all/gangs-ngos-social-movements-haiti

  • Haïti sous l’emprise des bandes armées ou le défi de se déplacer dans des « territoires perdus », communication à la 35e conférence annuelle de Haitian Studies Association, Morehouse College, Atlanta, 5-8 octobre 2023

  • « Partir ou résister? S’expatrier face à la terreur des groupes armés », communication à la 34e Conférence annuelle de la Haitian Studies Association (HSA), Howard University et George Washington University, 7-9 octobre 2022

  • Vers une compréhension du phénomène des « baz » à Port-au-Prince, conférence à la Faculté des Sciences Humaines de l’Université d’Etat d’Haïti, 10 mai 2019

  • « Les quartiers précaires de Port-au-Prince : entre Violence, Pauvreté et ONG», communication au colloque international Quel développement urbain pour la « ville post-crise ? » Port-au-Prince, 25-27 avril 2017. Ce colloque a été organisé dans le cadre du Programme de recherches dans le champ de l’urbain « Port-au-Prince : entre vulnérabilités et croissances urbaines, constructions d’une métropole caribéenne » financé par l’Union Européenne


 

TITRE DE LA THÈSE

Territoires de la violence, territoires des ONG : Quelle (in)cohérence ?

RÉSUMÉ DE LA THÈSE

Après la chute du président Jean-Bertrand Aristide, en février 2004, des quartiers pauvres de la capitale haïtienne sont entrés dans une phase de violences extrêmes caractérisées par des enlèvements en série, des exécutions sommaires et des décapitations de policiers ou de simples citoyens. Ces quartiers, parmi lesquels Cité Soleil, Bel-Air et Martissant, se sont transformés en de véritables terrains de résistance des partisans armés du président déchu.


Des acteurs internes et externes sont intervenus en Haït afin de restaurer un climat de paix et d’accompagner le gouvernement dans la réalisation de nouvelles élections. Parmi eux figurent des agences internationales d’aide au développement et des organisations non gouvernementales (ONG) dotées d’expériences en matière de gestion et de résolution des conflits. Des ONG internationales comme Viva Rio, AVSI, Concern Worldwide ont ainsi été les partenaires privilégiés des grandes instances internationales comme la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en Haïti (MINUSTAH). Ces acteurs de la société civile globale ont eu pour responsabilité de mener des actions humanitaires dans des quartiers sensibles, pendant que les Casques bleus de la MINUSTAH s’y déployaient pour éradiquer ou du moins freiner les actes des groupes armés. Des offensives militaires menées dans les quartiers sensibles(Cité Soleil, Bel-Air, Martissant, etc.) ont permis aux forces de l’ordre de neutraliser près de 800 chefs de gangs entre 2004 et 2008. Ces opérations ont toutefois fait des victimes dites « collatérales » parmi lesquelles des femmes et des enfants.



Cette thèse, inscrite dans le champ disciplinaire de la géographie, explore les processus ayant permis aux ONG d’évoluer dans des quartiers contrôlés par des groupes armés. L’objectif principal est de questionner l’émergence même de ces territoires de la violence, en y interrogeant plus particulièrement les modalités de cohabitation entre acteurs de la société civile, en particulier les ONG, et groupes sociaux considérés comme déviants. Dans ces territoires où la population fait face à un ensemble de difficultés socioéconomiques, se développent des formes classiques de solidarité et de lien social. Mais on assiste aussi à l’émergence de nouveaux réseaux de solidarité tentant de réorganiser la vie sociale afin de s’imposer en tant qu’autorités de substitution.


Cette thèse, située dans la lignée théorique, épistémologique et méthodologique de l’École de Chicago, étudie la violence dans sa dimension spatiale. Les concepts de bidonville, quartier précaire, violence, territoires de la violence, sont ainsi explorés. Par ailleurs, le concept d’archipellisation a été mobilisé pour expliquer le morcellement des quartiers précaires de Port-au-Prince tant par l’action des ONG que par la multiplication des gangs armés qui s’imposent comme de nouvelles autorités locales.


Cette étude considère trois secteurs de la région métropolitaine de Port-au-Prince reconnus par les autorités comme des « zones de non-droit », c’est-à-dire des quartiers contrôlés par des groupes armés. Elle concerne les quartiers de Grand-Ravine et de Simon-Pelé ainsi que la commune de Cité Soleil envisagée dans cette thèse comme un regroupement de quartiers. La période d’étude retenue est comprise entre 2004 – année de l’effondrement du régime de Jean-Bertrand Aristide – jusqu’à nos jours. Le choix de travailler sur ces quartiers s’explique notamment par des rapports de proximité que j’ai développés avec ces territoires. Pour mener cette recherche, j’ai privilégié une approche méthodologique de type qualitatif qui renvoie essentiellement à l’utilisation de méthodes anthropologiques (observation, entretien semistructuré). Cette approche, qui s’appuie pour l’essentiel sur l’analyse de contenu, est également utilisée en géographie. C’est une démarche qui permet au chercheur de se rapprocher davantage de son terrain tout en prenant une certaine distance par rapport à son objet d’étude. J’ai réalisé également des entretiens semi-directifs avec des dirigeants d’organisations communautaires de base (OCB), des responsables d’ONG, des mobilisateurs communautaires ainsi que des jeunes ayant des liens avec des groupes armés. J’ai réalisé, au total, une trentaine d’entretiens semi-directifs menés en créole haïtien. La durée de ces entretiens varie entre 30 et 120 minutes. Ils ont été retranscrits dans leur intégralité, puis traduits en français en vue d’une meilleure exploitation.


La thèse est organisée en trois parties et neuf chapitres. La première traite des fondements théoriques et conceptuels de la thèse. Elle permet de mieux comprendre la dynamique de construction des quartiers précaires à Port-au-Prince. La deuxième partie met l’accent sur la difficile transition démocratique en Haïti et les situations de violence qui en découlent. Dans cette partie, il est également question d’examiner les problèmes sociaux qui ont entraîné une certaine démocratisation de la charité dans le pays avec la multiplication des organisations non gouvernementales. La troisième traite du rôle des ONG dans la gestion et la résolution des conflits dans les quartiers contrôlés par des gangs armés. Dans cette partie, la contribution des ONG dans la dynamique de production des territoires est explorée.


Cette thèse aboutit à un ensemble de constats tant au niveau politique que sur les plans économique, social et culturel. Sur le plan politique, depuis plusieurs décennies, la violence s’impose comme l’un des instruments utilisés par les acteurs politiques pour accéder et conserver le pouvoir. Cela sous-entend que le recours aux gangs armés devient une constante importante dans la lutte pour le pouvoir en Haïti. Sur le plan économique, la violence se présente comme une véritable monnaie d’échange. Les acteurs économiques sont aussi prêts à recourir à toutes formes de violence allant de la corruption des petits fonctionnaires jusqu’à l’utilisation de gangs armés pour protéger leurs investissements et asseoir leur monopole. Par ailleurs, on découvre l’existence de liens étroits entre la violence et les différentes formes d’exclusion identifiées au sein de la société haïtienne. La violence constitue donc une réponse à l’exclusion sociale, un phénomène qui découle de la frustration des individus.


En conclusion, cette thèse démontre la collusion autour d’intérêts communs des logiques politiques, économiques et criminelles. Le service des gangs armés est mobilisable pour conserver le pouvoir politique lors des consultations électorales. Les agents économiques font appel aux services des gangs armés pour défendre leurs intérêts ou sécuriser leurs entreprises. Les groupes impliqués dans la criminalité organisée (trafic de drogues et d’armes à feu, etc.) développent ainsi des rapports privilégiés avec des acteurs politiques et des personnalités économiques les mettant à l’abri de toute poursuite judiciaire. Ces interférences entre des logiques politiques, économiques et criminelles contribuent à l’affaiblissement de l’État et compliquent davantage le travail des ONG dans les quartiers sensibles. Les groupes armés, qui opèrent dans ces territoires, représentent une clientèle importante tant pour les acteurs politiques que pour les agents économiques et/ou les autres réseaux criminels qui leur offrent régulièrement de fortes sommes d’argent et des armes de tout calibre. Les ONG qui veulent intervenir dans ces quartiers doivent négocier avec les chefs de gangs afin de faciliter l’exécution de leurs projets. Ces négociations peuvent prendre des formes diverses : distribution d’argent frais aux chefs de gangs, intégration des jeunes liés aux bandes armées dans la liste des ouvriers engagés par les ONG. Dans cette perspective, le contrôle des territoires devient un enjeu important dans le cadre de ces négociations ; celui-ci contribue à une certaine archipellisation de l’action des ONG dans ces quartiers perçus comme des « zones de non-droit ».