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Appel à communications – colloque international « Intégration(s) en Méditerranée »

Depuis 2011, un processus de transformation politique s’est engagé dans un
grand nombre de pays arabes partenaires de l’Union Européenne (Partenariat
Euro-méditerranéen – PEM). Or, les révolutions en cours n’affectent pas
seulement les sociétés considérées mais la région euro-méditerranéenne
dans son ensemble, y compris l’Union Européenne. Les révolutions au sud,
mais aussi les évolutions profondes que connaît l’Union Européenne depuis
20 ans, engagent en effet à questionner cet ensemble géopolitique sous
l’angle des
modalités de cette intégration, de ses limites, de ses ruptures, de sa
diversité et de ses paradoxes. C’est cette relation complexe entre
intégration et fragmentation que ce colloque se propose d’aborder.
Dans ce contexte historique nouveau, ce colloque pluridisciplinaire a pour
objectif de dresser un état des lieux analytique de l’« Euroméditerranée
», une région qui est une construction politique mise en oeuvre par l’Union
Européenne envers ses « partenaires méditerranéens » depuis les années
1990 au moyen de nombreuses initiatives, coopérations, partenariats. Ce
colloque a pour objectif de rendre compte des effets normatifs directs et
indirects des politiques Euromed et des dispositifs institutionnels sur les
pratiques sociales et spatiales des acteurs de la région «
euro-méditerranéenne », comprise dans son acception spatiale la plus large.

Un nouveau contexte : un cadre euroméditerranéen en transformation

L’ensemble euro-méditerranéen est le fruit d’une vision géopolitique
portée par les architectes (européens) du PEM afin de structurer la relation
de l’Union Européenne avec ses voisins méditerranéens. Son objectif était
de faire émerger en Méditerranée un « espace commun de paix et de
stabilité » et « une zone de prospérité partagée » (Déclaration de
Barcelone, 1995).
En 2013 pourtant, l’émergence d’un « espace partagé » annoncé par la
Déclaration de Barcelone demeure un horizon lointain et toujours repoussé,
pour de nombreuses raisons. D’une part, des obstacles politiques fondamentaux
bloquent tout progrès de la dimension régionale, en particulier le conflit
israélo-palestinien. D’autre part, les différentiels de développement
économique, social et politique autour des rives de la Méditerranée semblent
plus importants que jamais. S’y ajoutent les décalages d’interconnaissance
entre les sociétés européennes et celles de la rive Sud 4 . Vingt ans de
politiques euroméditerranéennes ont échoué à engager de réelles
trajectoires de convergence en Méditerranée. De ce point de vue, la question
de leur impact peut se poser. Enfin, les initiatives européennes qui se sont
succédées en Méditerranée depuis 1995 (Politique Européenne de Voisinage
en 2003 ; L’Union Pour la Méditerranée en 2008) ont contribué à éroder
l’approche régionale initiale du PEM pour favoriser les accords bilatéraux
différenciés entre l’Union Européenne et ses partenaires.
Les évolutions géopolitiques majeures de l’Union Européenne depuis 1995
ont également participé à la transformation de l’espace
euro-méditerranéen. D’une part, depuis 2003, priorité politique et
budgétaire a été donnée par l’Union à l’absorption de nouveaux
Etatsmembres. Les élargissements successifs des années 2000 ont par ailleurs
donné lieu à de vifs débats et suscité parfois de nouveaux sentiments
d’insécurité au sujet de l’emplacement et de la nature des limites de
l’Union. D’autre part, la poursuite du processus d’intégration
européenne – depuis l’approfondissement du marché intérieur jusqu’à la
mise en place de la zone Schengen – a changé la nature des frontières
extérieures de l’Union, en les renforçant mais aussi en les multipliant.
Leur multiplication contribue à créer des « régions frontalières », des
« marches » de l’Union dans lesquelles la ligne séparant ce qui est à
l’« intérieur » de ce qui est à l’ « extérieur » est brouillée sous
bien des aspects. Aujourd’hui, la région euro-méditerranéenne est le
théâtre de ces tensions croissantes entre la
transformation croissante de la nature des frontières de l’Union Européenne
et des objectifs de plus grande intégration nord/sud.
Enfin, les dynamiques politiques et économiques de la région
euro-méditerranéenne ne sont pas limitées à un tête-à-tête entre
l’Europe et ses voisins du Sud. Elles s’inscrivent de plus en plus dans le
contexte de la mondialisation de l’économie et de transformation d’un
nouvel équilibre géopolitique régional dans lequel les pays du Golfe, les
pays émergents d’Asie, et dans une certaine mesure la Turquie jouent un
rôle croissant.

{{Renversement de perspective : explorer les formes de l’intégration en
Méditerranée }}

Que sont devenues les perspectives de plus grande intégration annoncées dans
les années 1990 ? A l’évidence, au cours des deux dernières décennies, la
région Méditerranée a considérablement changé. Pourtant, les objectifs
portés par la Déclaration de Barcelone sont loin d’être atteints. La
région méditerranéenne reste un ensemble marqué par les ruptures et les
divisions plutôt que par des trajectoires de convergence ou de
complémentarité. Pourtant, le point de départ de ce colloque est qu’il se
passe pourtant des choses en Méditerranée.
Au sein de cette région sont produites de nouvelles configurations sociales et
culturelles transnationales, se partagent des normes, des modèles, des idées,
s’organisent des flux formels et informels, des circulations de personnes, de
biens, de services, de finances, de culture, de langues… Les pratiques
nouvelles d’une grande variété d’acteurs participent à la définition de
nouveaux espaces liés à la dimension régionale méditerranéenne,. Le
printemps arabe a rendu visible de nouveaux réseaux culturels et politiques
panarabes, tandis que le l’affirmation de mouvements politiques islamistes
dans la mouvance des Frères
Musulmans contribuent à créer dans la région un axe majoritairement
pro-américain. Les gens et les idées circulent librement entre des entités
aussi diverses que le parti Justice et Liberté en Egypte, Ennahda en Tunisie,
le parti Justice et développement turc, ou le Hamas palestinien.
Dix ans après le lancement de la Nouvelle Politique de Voisinage, cinq ans
après celui de l’Union Pour la Méditerranée, deux ans après le début des
mouvements révolutionnaires de contestation dans le monde arabe, ce colloque
se propose d’explorer les pratiques et les espaces qui participent la région
euroméditerranéenne (incluant la Turquie) vers des formes différenciées
d’intégration, qui divergent certainement de la vision des pères fondateurs
du
Partenariat.

Cette exploration privilégiera les grands thèmes suivants :

{{1. De l’intégration par le haut à l’intégration par le bas : une
nouvelle approche de l’espace euro-méditerranéen }}
Nous examinerons les formes d’intégration qui se construisent dans
l’espace méditerranéen malgré et avec les écarts (par exemple le
différentiel de développement ou les perception de l’autre), les limites
(par exemple les effets frontières) et les conflits. Ces aspects de
l’intégration seront analysées dans leur rapport au cadre du Partenariat,
selon qu’il les impulse, qu’elles se développent malgré lui, ou encore
contre lui.
Il s’agit moins d’analyser les effets du PEM – un projet d’intégration
régionale impulsé « par le haut » – que d’examiner la variété des
processus, pratiques, représentations, perceptions, lieux et espaces… qui se
justifient d’une analyse en termes d’intégration. Les acteurs
(individuels, collectifs, privés, gouvernementaux, institutionnels…) qui
façonnent cette intégration (parfois inattendue ou paradoxale) adaptent leurs
stratégies aux possibilités et
aux contraintes politiques, juridiques, économiques du PEM, et/ou de l’Union
Européenne, et/ou des Etats-Nations. Ils contribuent à dessiner une
géographie alternative de la région euro-méditerranéenne, Union Européenne
géographie qui se structure au travers d’espaces transnationaux de
différentes natures, à différentes échelles, mais aussi autour de lieux
d’articulation et d’interface de réseaux, de routes, de lieux dans
lesquels la visibilité et l’invisibilité peuvent être négociées, dans
lesquels des pratiques illégales ou seulement alternatives peuvent se
développer.

2. Normes, modèles et intégration régionale
Les formes de l’intégration dans l’espace euro-méditerranéen sont en
partie le résultat de la production de plus en plus importante de normes, de
leur exportation, de leur diffusion, de leur circulation. L’Union Européenne
est l’un des grands producteurs de normes dans la région méditerranéenne.
Elle exporte ces normes vers les pays partenaires au travers les coopérations
inscrites dans le Partenariat mais aussi du fait de la position dominante de
son marché intérieur. Cependant, l’UE n’est par la seule exportatrice de
normes dans la région,
dans un contexte de concurrence internationale accrue, notamment en provenance
des pays du Golfe. La formidable puissance normative américaine ne doit pas
non plus être négligée.
Quels sont les impacts de cette production et de cette circulation normative
sur les pays du sud, et sur l’intégration en Méditerranée? Comment se
diffusent ces normes, comment sont-elles adoptées, mais aussi adaptées, voire
contournées ? Quels sont les espaces qu’elles définissent ? Quel est
l’impact de l’intériorisation de cette intégration normative sur les
politiques, l’économie, les acteurs sociaux et économiques, les
perspectives des populations, les regards croisés sud-nord?
Avec la question des normes se pose celle des modèles qui circulent dans cette
région. Le projet européen lui-même, ou bien la façon dont il construit des
partenariats bilatéraux, est en soi producteur de normes et de modèles qui
influencent fortement les pays avec lesquels il noue un partenariat, dans des
domaines aussi divers que le développement économique, les accords
commerciaux, les politiques de décentralisation, la planification du
développement urbain, etc… Les influences touchent également des dynamiques
ne relevant pas de politiques publiques, comme les pratiques professionnelles,
les modes de consommation, la production culturelle, le sens et la perception
des identités, etc. Ces influences peuvent être concurrentielles, qu’elles
viennent d’Europe ou des Etats-Unis, de Turquie, du Golfe ou même d’Iran.
Cette question des modèles se pose avec une acuité nouvelle dans le contexte
des révolutions arabes et des nouveaux pouvoirs qui s’installent.

{{3. Nouvelles géographies de l’espace euro-méditerranéen : circulations et
espaces transnationaux, l’intégration régionale vue du sud }}
La Méditerranée est un espace d’intense circulation : humains, biens,
services,
investissements, mais également idées, culture, normes, modèles,
représentations…
Le colloque identifiera d’une part en quoi et comment les différentes
catégories d’acteurs sociaux qui ont des pratiques transnationales (des
entreprises aux contrebandiers, des migrants aux professionnels, des individus
aux réseaux sophistiqués etc.) utilisent, contournent ou doivent s’adapter
aux dispositifs euroméditerranéens. D’autre part, nous examinerons les
modalités concrètes de ces circulations, qui s’appuient sur des
infrastructures, des points de passages, des lieux de transition, des réseaux
physiques et humains. Quels sont les lieux investis par ces circulations ? Où
et comment se font les ruptures, seuils, interfaces, connexions? Quels sont les
routes et les carrefours qui structurent aujourd’hui la Méditerranée ? Il
s’agira également de comprendre la place occupée par l’ensemble des
pratiques qui participent de « l’intégration par le bas ». Comment prendre
en compte les circulations informelles et/ou illégales, dans la mesure où
elles se développent en opposition aux structures politiques tout en leur
conférant une nouvelle légitimité ? La redéfinition des espaces de
frontière, notamment la fermeture et l’externalisation des frontières
européennes, est elle-même une conséquence et une cause de ces circulations
informelles : le colloque cherchera donc à comprendre comment elles
s’articulent à l’évolution des contextes normatifs et juridiques en
Méditerranée.
Les processus paradoxaux de fermeture et d’intégration ont des impacts
directs sur la production de nouveaux espaces transnationaux, de nouveaux lieux
de l’entre-deux, de nouveaux discours, de nouvelles représentations, de
nouvelles cartes mentales qui définissent un espace régional méditerranéen
transnational. Le colloque s’attachera donc à examiner la production de
géographies alternatives de la Méditerranée.

{{Un colloque pluri-disciplinaire et international à l’Université Rennes-2,
France}}

Des communications de toutes les disciplines relevant du droit, des sciences
sociales (géographie, sociologie, anthropologie, ethnographie) et des sciences
politiques sont bienvenues.
Les communications feront état de travaux récents s’appuyant sur des
études de terrain. Les communications mobilisant de nouvelles approches
théoriques ou abordant des questions méthodologiques sont également
bienvenues.
Les questions débattues pendant le colloque englobent toute la zone
méditerranéenne. Cependant, les analyses développées à partir des
sociétés du sud de la Méditerranée seront privilégiées.
Les communications les plus pertinentes feront l’objet d’une publication
scientifique internationale.

Modalités de soumission

Les propositions de communications (400 mots), accompagnées d’une courte
biographie ou CV, peuvent être envoyées en français ou en anglais.
Les langues de travail du colloque seront l’anglais et le français. Les
communications seront acceptées dans les deux langues. Cependant, afin de
favoriser les débats, les supports visuels seront rédigés en anglais.

Date limite pour l’envoi d’une proposition : 6 avril 2013
– Retour du comité scientifique : 6 mai 2013
– Date limite d’envoi des résumés étendus (2500 mots): 10 septembre 2013
– Inscription : 60€


Résumés à envoyer avant le 6 avril 2013 à : [conference-med@univ-rennes2.fr->mailto:conference-med@univ-rennes2.fr]

Organisation

Organisé par le laboratoire ESO-Rennes, en collaboration avec le Centre
d’Excellence Jean Monnet (Rennes-1 et Rennes 2), ce colloque s’inscrit
également dans le programme de recherche en cours :

« Géographies de la mondialisation, émergence d’un système régional au
Moyen-Orient » (ANR SYSREMO), financé par l’Agence Nationale de la Recherche,
France (laboratoire ESORennes).

Organisateurs :

– Benoît Montabone (Université Rennes-2, Laboratoire ESO-Rennes) :
benoit.montabone@univ-rennes2.fr
– Leïla Vignal (Université Rennes-2, Laboratoire ESO-Rennes) :
Leila.vignal@univ-rennes2.fr

Comité scientifique :

– Guy Baudelle, Professeur, Université Rennes-2
– Raffaella Del Sarto,
Directrice du
programme Borderlands, Institut Européen de Florence
– Catherine
Flaesch-Mougin, Professeur, Université Rennes-1
– Danielle Le Bihan,
professeur, Université Rennes-2
– Benoit Montabone, Maître de conférences,
Université Rennes-2
– Kalypso Nicolaïdis, Professeur, Université d’Oxford
– Kerem Oktem, Chercheur, Université d’Oxford
– Leïla Vignal, Maître de
conférences, Université rennes-2 ;
– Serge Weber, Maître de conférences,
Université Marne-la-Vallée
– Michael Willis, Professeur, Université
d’Oxford.

– Pour lire l’appel à communication en anglais, consultez le document ci-dessous :
– To read the call paper in english, please follow the documents bellow :