Fabrizio Maccaglia

Professeur des universités, Université Paris 8 Saint-Denis

Géographie

THÈMES DE RECHERCHE DÉVELOPPÉS

Mes recherches proposent une géographie de l’action publique, qui se veut attentive aux configurations locales en capacité d’affecter les conditions de mise en œuvre des politiques publiques environnementales et leur productivité. La gestion des déchets ménagers en Italie et en France constitue le principal terrain d’application de cette problématique de travail selon deux directions principales. D’une part, l’étude des situations de conflictualité liées à la création ou à la modernisation d’équipements de traitement des déchets, avec une attention particulière portée aux arrangements et transactions élaborés contextuellement par les parties prenantes du conflit pour sortir de ce qui est communément interprété comme une situation de crise de l’action publique et qui relève en fait d’un mouvement de nos sociétés plaidant pour une démocratisation de l’action publique. D’autre part, l’analyse de ce qui se joue dans les situations de controverse associées à la gestion des déchets : les déchets sont un objet social qui présente, sur le plan analytique, un caractère transversal par sa capacité à donner accès à des débats aussi différents que la mise en marché des services collectifs, les pratiques individuelles et collectives (via le tri sélectif, le recyclage, la récupération, etc.), l’engagement citoyen et le sentiment de « concernement », la planification des équipements dans les territoires et l’organisation des services sur le plan infrastructurel, ou encore les mobilisations sociales en réponse à la localisation d’infrastructures jugées invasives et génératrices de nuisances. L’articulation de ces différents aspects s’est faite en adoptant une lecture politique, considérant que les déchets sont devenus dans nos sociétés contemporaines « un lieu d’action de la société sur elle-même » : c’est au travers des déchets que tout un ensemble de problématiques comme l’épuisement des ressources, la surconsommation, les dégradations environnementales, la démocratisation de la décision publique ou encore le « vivre ensemble » est posé.


MOTS-CLÉS

– Politiques publiques des déchets et écologies du quotidien


– Rapports sociaux à l’environnement et épidémiologie populaire


– Action publique et rapport ordinaire au politique


– Usages et rapport au droit


CHAMPS GÉOGRAPHIQUES

Italie, France


PRINCIPALES ACTIVITÉS DE RECHERCHE

Mes recherches sur la territorialisation des politiques publiques ont été envisagées sous trois angles principaux :



  • La dimension politique de la gestion des déchets


Deux perspectives de travail principales ont été ouvertes sur la base de cette lecture politique des déchets. D’abord, le politique comme lieu où l’on arbitre entre des intérêts contradictoires au nom de l’intérêt général, et comme espace décisionnel où s’élabore et se met en œuvre l’action publique. La gestion des déchets constitue un des espaces à partir desquels se négocient des arrangements formels en vue de contractualiser une prestation de service, mais également des arrangements informels qui visent à satisfaire des intérêts privés. L’instrumentalisation de la gestion des déchets, pour animer des fidélités clientélaires (par la distribution d’emplois) ou financer de manière illicite des activités politiques (via des prélèvements sur les contrats publics) permet de construire des positions politiques et de faire fonctionner le pouvoir local. Ensuite, le politique comme modalité d’intéressement et d’implication des individus dans des activités qui questionnent le modèle de société dominant et qui ambitionnent de le transformer. Les pratiques adoptées par les individus sont animées par une préoccupation partagée à propos du bien commun, le déchet étant construit comme une cause ou le moyen d’en poursuivre une. Avec ces initiatives, le politique s’invite dans le quotidien : la participation ou l’engagement ne se circonscrivent plus à des moments qui ont désormais acquis un caractère rituel comme les pétitions, les manifestations ou les scrutins électoraux ; le politique, au sens de débat à propos du bien commun, s’invite dans nos poubelles. Trier, faire du compost, recycler, réutiliser, etc. c’est faire de la politique par d’autres moyens, selon la formule de Clausewitz.



  • Les usages et les rapports au droit


Les conflits de proximité comportent fréquemment une dimension judiciaire, le contentieux étant un des leviers activés pour faire opposition à un projet d’équipement ou contester les nuisances d’une installation. Les tribunaux se sont imposés comme une arène privilégiée où s’expriment les contradictions et à travers laquelle les acteurs engagés dans un conflit de proximité cherchent à faire reconnaître le bienfondé de leurs positions. Les tribunaux sont en quelque sorte conçus comme le lieu où s’énonce l’intérêt général, dès lors où les autres espaces de décision et d’élaboration du projet ne sont pas parvenus à faire émerger un compromis acceptable pour les parties en présence. La question du droit ne se circonscrit pas à ce mouvement de judiciarisation ; un conflit de proximité est aussi un moment au cours duquel des registres juridiques entrent en concurrence : droit positif vs. droit d’usage, droit positif vs. droit ancestral revendiqué par des communautés autochtones, droit positif national vs. droit positif communautaire, etc. Les rapports entre droit et espace constituent un des points d’articulation de mes travaux. L’espace y est, selon les situations, décliné sous la forme d’un espace d’action (l’espace institutionnel mis en place dans le cadre d’une intervention publique), d’un construit social (le contexte localisé dans lequel le « jeu social autour des règles » s’accomplit selon la formule de R. Garcier) ou d’un discours (les figures spatiales présentes dans les récits des acteurs). Le droit y est quant à lui envisagé comme une expérience, considérant qu’il fait l’objet d’une activité sociale et de transactions qui en définissent localement la signification, le champ d’application et ses effets : cela répond à l’hypothèse que le droit n’est pas réductible à un ensemble de prescriptions qui conduit les individus à prendre position (au sens de déterminer sa conduite selon les règles de droit en vigueur) ; le droit est aussi une ressource dans l’action.



  • Les dispositifs de l’action publique 


La focale, ici, est positionnée sur la forme que prend l’action publique, en portant attention aux stratégies et outils auxquels les pouvoirs publics ont recours pour construire leur intervention dans les territoires. Ce chantier de recherche a notamment donné lieu à formulation de l’idée de registre d’action normatif pour penser l’action publique dans une perspective comparative et empirique. Un registre d’action normatif détermine les règles du jeu dont se dotent les autorités pour agir : il fixe les modalités de leur intervention (les instruments, les procédures, les ressources matérielles et réglementaires), tout en organisant les rapports des autorités avec les tiers (habitants, groupes d’intérêts, acteurs économiques, etc.). C’est donc une façon de faire pour l’État ou pour reprendre l’expression de Jean Leca c’est le « ‘‘faire’’ de l’État ». Un registre d’action normatif est un énoncé stable de la manière dont l’État agit et se déploie dans un territoire : il définit des opportunités et des contraintes à partir desquelles les acteurs individuels ou collectifs se positionnent et définissent leurs propres stratégies d’action. Ensuite, un registre d’action normatif est un espace de sens à partir duquel l’État explique et légitime son intervention, et les modalités de celle-ci : il y énonce des vérités et crée des significations, il y met en récit le problème ou la situation qui fait l’objet de son attention, et se met en récit lui-même en se donnant à voir sous une forme spécifique (l’État interventionniste, l’État protecteur, l’État bienveillant et indulgent, l’État qui réaffirme son monopole de la violence physique légitime, etc.). C’est au travers du registre qu’un enjeu commun est identifié, mis en forme et traité. L’État se donne à voir dans un territoire donné autant par la présence matérielle de son action que par son existence symbolique au travers des pratiques sociales et politiques que son mode de fonctionnement et d’intervention rend possible : le « ‘‘faire’’ de l’État » induit un « ‘‘habitus’’ d’administré » (J-F. Bayart, 1996), soit une manière d’être et d’agir des individus ou des groupes engagés dans leur relation avec les autorités politiques et administratives. Un registre d’action normatif se concrétise donc sous la forme d’un système de représentations de ce qu’est l’État, celui-ci se construisant par les expériences qu’en font les individus.


RESPONSABILITÉS SCIENTIFIQUES ET ADMINISTRATIVES

Responsabilités administratives[1]


Membre (nommé) du CNU, Section 23, Géographie physique, humaine, économique et régionale (depuis 2023)


Animation scientifique[2]


Co-directeur (avec Hovig Ter Minassian) de la revue Géographie et cultures (depuis 2020)


[1] Responsable de programme, membre de commissions, expertises…


[2] Organisation de colloques, de séminaires ; encadrement de stagiaires…


ACTIVITÉS D’ENSEIGNEMENT / DIRECTION DE THÈSES

Activités d’enseignement


J’ai rejoint l’équipe du master Mondes méditerranéens en mouvement (Université Paris 8 Vincennes – Saint-Denis) (UFR eriTES). J’ai en charge quatre enseignements principalement :



  • ­Géopolitique et construction du politique en Méditerranée

  • Villes, pouvoirs et cultures en Méditerranée

  • Enjeux environnementaux en Méditerranée

  • Mondialisation en Méditerranée


Thèses en cours


Justine Heyraud-Ciofolo (50%) (avec Amaël Cattaruzza), Gouvernance de l’eau en contexte de rationnement dans une ville méditerranéenne (Palerme) (titre provisoire), Université Paris 8 Vincennes – Saint-Denis, 2025