UMR7533

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Marie Aumont

Doctorante
Université de Paris
École doctorale Sciences des sociétés (ED 624)
Année de première inscription : 2019
Année de soutenance prévue : 2023
Anthropologie et sociologie
Master d’origine : M2R journalisme, communication et culture scientifique
Directeur de thèse : Igor BABOU

THÈMES DE RECHERCHE DÉVELOPPÉS


  • Globalisation financière
  • Politiques monétaires
  • Crises financières
  • Réglementation bancaire

MOTS-CLÉS

Inégalités environnementales, Ouragan, Sandy Ground, Kalinago, déplacés climatiques, savoirs écologiques, migrations environnementales, bidonville, Irma, Maria

TITRE DE LA THÈSE

Inégalités environnementales, savoirs écologiques locaux et catastrophes naturelles à Saint-Martin et à la Dominique. Comparaison du vécu, de la mémoire et des savoirs d’habitants défavorisés de zones urbaines et de zones rurales lors du passage des ouragans Irma et Maria en septembre 2017.

RÉSUMÉ DE LA THÈSE

Durant l’été 2017, « les Caraïbes et le sud-est des États-Unis ont connu une saison des ouragans absolument dévastatrice », relève l’étude d’Oxfam rappelant les dégâts causés successivement par Harvey, Irma et Maria. Environ trois millions de personnes ont été déplacées par ces trois ouragans majeurs dans seize pays différents . À Saint-Martin, le passage d’Irma a déclenché le déplacement de onze mille personnes dans la partie française, soit pratiquement un tiers de la population totale.
Les mouvements migratoires liés au changement climatique sont souvent présentés comme l’un des défis de ces prochaines décennies (Gemenne, 2011). La situation dans les Petites Antilles, spécifiquement à Saint-Martin et à la Dominique après les passages des ouragans Irma et Maria est la preuve d’un problème qui se pose dès aujourd’hui.
Ce projet de thèse propose de continuer à approfondir une recherche commencée en Master 2 Recherche sur les inégalités environnementales dans les territoires insulaires des Caraïbes en comparant le cas des populations immigrées de Sandy-Ground avec le peuple autochtone Kalinago, vivant en Dominique.
Ce sont deux îles relativement petites (la Dominique étant la plus étendue des deux), avec une population de 73500 habitants pour la Dominique et de 75000 habitants pour Saint-Martin. Elles ont un passé différent mais des similarités au niveau de leur histoire coloniale, et présentent toutes deux des inégalités sociales fortes au sein de leur société respective.
Il semble intéressant de comparer les habitants du bidonville de Sandy-Ground, qui vivent dans une zone péri-urbaine exposée aux aléas, avec les habitants du territoire Kalinago, qui eux vivent dans un territoire naturel reculé, mais également exposé aux aléas.
Il s’agit de comprendre les enjeux de la transition climatique de ces populations pauvres sur ces territoires différents et comprendre comment ils font face à l’intensification de la force des ouragans. Quelles sont les stratégies d’adaptation de ces populations urbaines ou proche de la nature face à ces phénomènes extrêmes ? Car les Kalinagos dépendent entièrement de l’environnement naturel pour leur survie quotidienne et leur bien-être (pharmacopée de plantes médicinales).
La comparaison porterait, notamment, sur les savoirs environnementaux de chacune des populations marginalisées de ces deux îles, de manière à comprendre si les savoirs autochtones et les relations à la nature que je suppose chez les Kalinagos leur permettent une meilleure capacité à se protéger des risques climatiques par rapport à leurs voisins de Saint-Martin. La question centrale de ma thèse serait la suivante : dans quelle mesure ces savoirs ainsi que le fait d’habiter dans un territoire moins urbanisé, module les inégalités environnementales ?
La recherche sur les savoirs écologiques locaux s’est bien développée depuis les années 1950/1960 (Roué, 2012) et elle a montré que ces savoirs étaient inséparables de visions du monde :
Ce que savent les peuples autochtones, ce qu’ils savent faire et surtout leurs représentations du monde sont intimement liées : leur pensée procède d’une démarche holiste. La vision occidentale dichotomique qui sépare la Nature de la Culture, et l’homme de tous les autres êtres vivants, n’est nullement la leur (Roué, 2012, p. 2).
L’ethnoscience permet une vision de l’intérieur des savoirs des peuples locaux par opposition à une science occidentale pratiquée à des fins utilitaires chez les peuples colonisés.
L’ethnoscience, en étudiant les classifications que ces peuples faisaient du monde vivant, se consacra aux structures de la pensée, à la « grammaire culturelle » recueillie dans la langue des locuteurs. La collecte des taxinomies mettait pour la première fois en valeur, non seulement l’étendue du savoir des peuples concernés, mais également sa nature en la comparant et la rapprochant des taxinomies scientifiques (Roué, 2012, p. 8).
Les Kalinagos ont une langue distincte, une mythologie (l’esprit de la roche, Maruka et Cimanari) et une religion polythéiste. Ils ont une connaissance de leur environnement naturel établie depuis plusieurs siècles et une très grande connaissance des plantes à des fins médicales, conservatrices, ou aromatiques. Ils sont détenteurs d’un savoir-faire et d’un artisanat local, développé à partir des matières premières qui les entourent.
Pour autant, on ne sait pas comment ces savoirs sont mobilisés quand ils se confrontent à des dérèglements climatiques, notamment à l’amplification des catastrophes environnementales.
Symétriquement, j’aimerais approfondir la question des savoirs issus de la confrontation à la catastrophe en milieu urbain : l’absence de savoirs écologiques locaux constatée chez les habitants de Sandy Ground à Saint-Martin n’est-elle pas compensée par un accès à l’information météorologique en milieu urbanisé, ou par leurs relations avec les institutions ? Des savoirs pratiques ne sont-ils pas susceptibles de se développer dans ce contexte ? La comparaison entre Saint-Martin (notamment la région de Sandy Ground) et La Dominique est, de ce point de vue, très pertinente pour faire évoluer nos connaissances sur les savoirs écologiques locaux.
Dans ces deux cas, les populations concernées ne sont pas isolées des circulations de savoirs notamment les savoirs scientifiques climatiques et écologiques. Le fait d’habiter dans l’une ou l’autre des îles – avec un milieu plus ou moins urbanisé – est-il un facteur d’inégalités sociales et environnementales ? Et dans le cas des Kalinagos, comment leur capital environnemental autochtone (Bouet, Ginelli, et Deldrève, 2018) se transforme-t-il au contact des conceptions « modernes » (Latour, 1991) :
On parle aujourd’hui d’« agencéité » : les autochtones sont les acteurs de leur destin et utilisent leurs stratégies propres, leurs ressources pragmatiques et cognitives pour choisir de recomposer à leur guise leur devenir. De nombreuses pratiques et savoirs comportent une part de créolisation comme les intellectuels des Antilles françaises, las de la négritude de Césaire, le revendiquent (Glissant 1997). Loin d’être un héritage, la tradition devient une revendication dans un monde où la globalisation n’implique plus l’uniformité ou l’homogénéisation (Roué, 2012, p. 3).